LE CHRÉTIEN ET L’ANTÉCHRIST, PAR MAURICE MALENGA

1 Jean 2, 18-27 : le chrétien et l’antéchrist

Mes enfants, c’est la dernière heure ; vous avez entendu dire qu’un antichrist vient, et il y a maintenant beaucoup d’antichrists : de là nous savons que c’est la dernière heure.

Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car, s’ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous ; mais aussi, il est manifeste qu’aucun d’eux n’est des nôtres.

Quant à vous, vous avez une onction de celui qui est saint, et tous, vous savez.

Je vous ai écrit, non parce que vous ne sauriez pas la vérité, mais parce que vous le savez, et parce qu’aucun mensonge n’est de la vérité.

Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Le voilà, l’antichrist, celui qui renie le Père et le Fils.

Quiconque renie le Fils n’a pas non plus le Père ; celui qui reconnait le Fils a aussi le Père.

Quant à vous, que demeure en vous ce que vous avez entendu dès le commencement. Si ce que vous avez entendu dès le commencement demeure en vous, vous demeurez, vous aussi, dans le Fils et dans le Père.

La promesse qu’il nous a faite, lui, c’est la vie éternelle. Je vous ai écrit cela au sujet de ceux qui vous égarent.

Quant à vous, l’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous, et vous n’avez pas besoin que quelqu’un vous instruise ; mais comme son onction vous instruit sur tout, qu’elle est vraie et qu’elle n’est pas mensonge, demeurez-en lui comme elle vous y a instruit.

 

Prenons garde, car l’heure est à la prolifération des antichrists.

  1. C’est la dernière heure

Jean affirme que nous avons atteint une « dernière heure ». En grec, le mot heure n’est pas précédé d’un article. Jean ne dit pas c’est l’heure dernière, mais « c’est (une) dernière heure ». L’histoire de l’humanité se déroule lentement par période successives, jusqu’à ce qu’on arrive à une crise, qu’une ère se termine et qu’une autre commence. Jean affirme que nous avons atteint une telle « dernière heure ».

La plupart des interprètes actuels estiment que la dernière heure comme le dernier jour (Jean 6,39) désignent, d’une manière précise, la fin de l’économie présente et le jugement dernier. Jean, comme Pierre (1 Pierre 4,7), croyait que cette dernière heure allait venir. Ils en jugeaient ainsi par « les signes des temps » ; et en particulier par celui que Jean décrit ici, la venue de l’antichrist, et ils insistaient sur le devoir des chrétiens d’attendre, dans une sainte vigilance, la venue du Christ, de l’attendre chaque jour.

Paul et Jean lui-même, ces deux apôtres ont enseigné qu’avant le retour du Seigneur, toutes les puissances ennemies du Christ et de son règne se personnifieront en un seul homme qui ne sera pas seulement un adversaire du Christ, mais prétendra jouer le rôle du Christ, être le sauveur et le roi de l’humanité. Mais en attendant, l’esprit d’apostasie et du mensonge sous les formes les plus diverses apparaissait déjà au temps de l’apôtre, avec la présence de docteurs hérétiques.

Jean en voit la preuve dans l’apparition, non seulement d’un antichrist, mais de plusieurs antichrists. Selon lui, ces nombreux antichrists avaient été des membres de l’Eglise. Bien qu’ils aient appartenu à son organisation visible, Jean s’empresse d’ajouter : « mais ils n’étaient pas des nôtres ». Ils sont sortis de chez nous de la sorte, mais il est manifeste que tous ne sont pas des nôtres. Bien qu’ayant été antérieurement membres de la communauté, ils n’en ont jamais vraiment fait partie.

L’église primitive était persuadée qu’à la fin des temps une manifestation du mal, qu’elle appelait antichrist, viendrait dans toute la puissance de l’homme d’iniquité. Bien que Jean emploie le terme quatre fois dans cette épître, cet individu à venir n’est pas son centre d’intérêt. Il s’occupe avant tout de ses lecteurs et il insiste sur le fait que l’esprit de l’antichrist est déjà dans le monde.

Plusieurs Antichrists

L’examen du texte lui-même permet de connaître avec une suffisante certitude la situation où se trouvaient ses destinataires et les raisons qui ont poussé l’auteur à leur écrire. Du ton polémique on peut déduire que la communauté à laquelle l’épître est adressée traversait une crise grave. La diffusion de doctrines incompatibles avec la révélation chrétienne menaçait d’y compromettre la pureté de la foi. Quels étaient les prédicateurs de cet enseignement ? Ils sont appelés antichrists, prophètes de mensonges, menteurs, imposteurs, séducteurs, ils sont du monde et se laissent guider par l’esprit de l’erreur. Naguère ils appartenaient à la communauté ; ils cherchent actuellement à égarer les croyants restés fidèles, en leur portant une doctrine qui n’est pas celle du Christ.

En quoi consistait leur l’erreur ? Trompés par une mystique de type gnostique (comme les rose croix aujourd’hui et d’autres sciences occultes), ils prétendaient connaître Dieu, voir Dieu, vivre en communion avec Dieu, être dans la lumière, en dépit d’une doctrine et d’une conduite en contradiction flagrante avec la révélation chrétienne. Ils tenaient surtout une position hérétique en matière de christologie : ils refusaient de voir en Jésus le Messie et le Fils de Dieu. Ils rejetaient l’incarnation et divisaient Jésus, puisqu’ils séparaient en lui le Jésus de l’histoire et le Fils de Dieu et niaient que celui-ci fût venu réellement par l’eau et le sang. Leur comportement moral n’était pas sans péché et ils ne se souciaient pas de garder les commandements, en particulier celui de l’amour fraternel.

Depuis longtemps déjà on cherche à identifier concrètement ces docteurs de mensonge. Selon Irénée, c’est l’hérétique Cérinthe. Cérinthe, toujours d’après Irénée, enseignait qu’à sa naissance, Jésus n’était qu’un homme comme les autres. A son baptême le Christ céleste se serait uni à lui, mais pour s’en séparer au moment de la passion.

Le but de l’auteur n’est pourtant pas de combattre ces hérétiques. Il s’adresse directement aux chrétiens eux-mêmes. Il veut les mettre en garde contre les prétentions des gnostiques, et leur montrer que ce sont eux qui possèdent vraiment la communion avec Dieu.

 

  1. Mise en garde contre les fauteurs de troubles

L’auteur écrit à une église troublée dans ses certitudes : il veut chasser toute ombre de leur communion, raffermir les fondements de leur assurance, les prémunir contre une déstabilisation diabolique en rappelant les critères du christianisme authentique : la simplicité de style de vie, la fidélité à la foi chrétienne enseignée depuis le commencement, l’observance des commandements, surtout celui de l’amour fraternel, être patient, sans ornement et au service de Dieu et du prochain.  Il veut indiquer par là à quel signe on reconnaît les croyants véritables et comment l’on distingue l’imposteur et l’Antichrist, lesquels sont d’autant plus dangereux qu’ils sont issus de l’Eglise, mais tentent d’en corrompre les membres.

Ils nient que Jésus est le Christ. Pour Jean c’est là le mensonge par excellence. L’homme qui dévie sur ce point-là, n’est pas non plus digne de foi. Il est l’antichrist qui nie le Père et le Fils. Jean est absolument persuadé qu’en Jésus de Nazareth, Dieu et l’homme sont indissolublement liés. Il n’hésite pas à dire que celui qui est d’un autre avis, commet une erreur fondamentale: il est coupable de mensonge radical. Ce refus du Fils a des conséquences. Si notre conception du Fils est fausse, notre façon de voir le Père sera fausse également. Si Jésus n’est pas le Fils même de Dieu, et s’il n’est pas Un avec le Père, alors ce n’est pas l’amour de Dieu que nous voyons révélé à travers sa vie et sa mort. C’est en recevant Christ, que nous devenons enfant de Dieu. Par conséquent, si nous le rejetons, nous ne faisons pas partie de la famille céleste. Nous n’avons aucun droit d’appeler Dieu notre Père. Prenons garde, car l’heure est à la prolifération des Antichrists !

 

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